Depuis janvier 2025, les discussions autour de la réforme des retraites ont retrouvé un rythme soutenu en France. Sous l’impulsion du Premier ministre François Bayrou, un « conclave » a été lancé avec les partenaires sociaux pour rouvrir un dossier toujours aussi explosif. Devenu début avril la "concertation sur les retraites", ce processus vise à réexaminer les dispositifs existants, dans le prolongement de la réforme de 2023, qui avait relevé l’âge légal de départ à 64 ans, une mesure encore très contestée aujourd’hui. Le calendrier prévoit des réunions régulières jusqu'à la fin mai 2025, avec un point d’étape important attendu lors de la dernière session prévue le 22 mai. À l'ouverture des échanges, les principaux points de blocage entre gouvernement et partenaires sociaux concernaient l'âge de départ à la retraite et les solutions pour assurer le financement à long terme du système.

Alors qu'une neuvième session de concertation vient de s’achever, où en sommes-nous fin avril ?

Les avancées depuis le début des échanges

Depuis le lancement des discussions, plusieurs avancées notables ont été enregistrées, même si elles restent fragiles. Tous les acteurs reconnaissent la nécessité de trouver des solutions pour assurer le financement du système. Néanmoins, aucun consensus n’a encore émergé sur les moyens précis d'y parvenir.

Parmi les progrès, la question de la prise en compte des carrières hachées a été sérieusement abordée. Les travailleurs indépendants, les femmes et tous ceux dont le parcours professionnel est fragmenté pourraient bientôt voir leur situation mieux protégée. Des pistes sont à l’étude pour améliorer la portabilité des droits entre les différents statuts professionnels, afin d’assurer une continuité des droits à la retraite quel que soit le parcours de carrière. Le renforcement du compte professionnel de prévention, destiné à mieux repérer les métiers à risques et faciliter des départs anticipés, fait également l'objet d'un consensus.

Par ailleurs, la retraite progressive est en passe d’être renforcée. Le gouvernement envisage d’élargir son accès par décret avant l’été. Ce dispositif permet aux salariés de réduire progressivement leur activité tout en percevant une fraction de leur pension, offrant ainsi une transition en douceur vers la retraite. Plébiscité dans les secteurs à forte pénibilité, il pourrait devenir plus facilement accessible, notamment pour les métiers éprouvants ou les carrières longues. Les partenaires sociaux souhaitent également simplifier les démarches administratives et mieux informer les salariés sur ce mécanisme. Dans un contexte où le recul de l’âge légal reste très impopulaire, la retraite progressive pourrait apparaître comme une alternative sociale et pragmatique.

Les points de tension qui demeurent

Malgré ces avancées, les tensions restent vives. Deux organisations syndicales, Force Ouvrière et la CGT, ainsi qu’une organisation patronale, l'U2P, ont quitté la table des négociations. Ne restent désormais que cinq partenaires autour de la table : CFDT, CFE-CGC, Medef, CPME et CFTC.

Le premier sujet de friction est, sans surprise, le maintien de l'âge légal de départ à 64 ans. Le gouvernement refuse catégoriquement de revenir sur cette mesure, ce qui empêche toute avancée substantielle sur ce terrain. Les syndicats présents réclament à minima des aménagements massifs pour les carrières longues ou pénibles, mais les discussions patinent.

Autre sujet brûlant : la question de la capitalisation. Face aux tensions budgétaires, plusieurs acteurs économiques plaident pour un développement plus large des dispositifs d’épargne retraite individuelle, en complément du système par répartition. La CPME propose ainsi la création d'une Retraite Additionnelle du Secteur Privé (RASP), un dispositif obligatoire pour les salariés financé non par des cotisations supplémentaires, mais par un allongement modéré du temps de travail. Ce nouveau dispositif serait géré par les partenaires sociaux, à l’image de ce qui existe dans la fonction publique avec la RAFP.

En parallèle, certains recommandent de renforcer les incitations à l’épargne retraite individuelle, notamment en assouplissant les règles du Plan d’Épargne Retraite (PER). La CFDT, tout en restant attachée à la répartition comme socle principal, n’est pas opposée à l’existence de dispositifs complémentaires gérés paritairement. À l’inverse, la CGT rejette toute extension de la capitalisation, perçue comme une menace contre la solidarité nationale.

À ce stade, plusieurs scénarios restent possibles. Un accord partiel pourrait être trouvé sur des points techniques tels que la gouvernance, l’emploi des seniors, ou la prise en compte de la pénibilité, sans remise en cause de l’âge légal de départ. Si tel était le cas, un texte pourrait être présenté au Parlement, susceptible d’être amendé avant intégration dans la loi. Toutefois, l'absence des syndicats les plus contestataires risque de fragiliser la légitimité de tout accord, laissant planer la menace d’une contestation sociale persistante.

En cas d'absence totale d'accord, la réforme de 2023 resterait en l'état, ce qui pourrait entraîner une nouvelle crise politique et sociale, avec le risque de mobilisations massives. À terme, si le blocage persiste, la possibilité d’un recours au référendum, bien que peu évoquée officiellement, pourrait être envisagée.

Enfin, un dernier scénario, peu probable mais non totalement exclu, serait une reprise des discussions avec le retour à la table de certains acteurs, à condition que le gouvernement concède des ajustements majeurs. À ce stade, toutefois, l’exécutif semble déterminé à maintenir le cap.