
L’investissement durable (ISR, investissement socialement responsable, ou ESG en anglais Environmental, Social and Governance) est souvent vu comme un choix avant tout moral : aligner son argent avec ses valeurs. Beaucoup pensent encore que ce choix implique forcément un compromis sur la performance. Or, les données montrent que ce n’a pas toujours été le cas et que, sur certaines périodes récentes, investir durable a même pu constituer un meilleur choix financier pour les épargnants.
Cela dit, cette surperformance n’a pas été systématique et rien ne garantit qu’elle se reproduira à l’avenir. Alors, déconstruisons ensemble le mythe de l’investissement durable moins rentable.
Les fonds durables (ESG) : moins de risque et de volatilité sur 30 ans
Pendant longtemps — et encore pour un investisseur sur deux aujourd’hui — l’idée dominante a été que les fonds durables sacrifiaient en performance et en volatilité ce qu’ils gagnaient en vertu. Pourtant, les données des 30 dernières années montrent exactement l’inverse.
L’étude de The Impact Investor (2023) par exemple démontre que si l’on compare l’indice historique de l’investissement responsable (MSCI KLD 400 Social) sa performance annualisée a été de +10,4 % annualisés depuis 1990 contre +10,1 % pour l’indice MSCI USA classique annualisés (The Washington Post, 2024).

Un écart positif de 0,3 % par an en faveur de l’indice “durable”, qui vient donc contredire les idées reçues.
Dans le même sens, la conclusion de l’étude Sustainable Reality Report réalisée par Morgan Stanley en 2019 montre qu’entre 2004 et 2018, sur 10 723 fonds analysés, les performances des fonds durables sont comparables à celles des fonds traditionnels, tout en offrant un risque baissier plus faible pour les investisseurs. Sur cette période, les fonds durables affichent des performances comparables aux fonds traditionnels, et leur volatilité négative (downside deviation) est réduite de 20 %. Autrement dit, à rendement égal, le risque pour un investisseur d’investir sur un fonds durable a été plus faible sur cette période que sur un fonds traditionnel.

Une méta-analyse conduite par le NYU Stern Center for Sustainable Business et Rockefeller Asset Management, portant sur plus de 1 100 études académiques et 27 méta-analyses publiées entre 2015 et 2020, conforte l’idée que l’investissement durable n’a pas pénalisé la performance financière sur la période.
La méta-analyse identifie que 59 % des études sur la performance d’investissement durables concluent à des rendements au moins équivalents, voire supérieurs pour les fonds durables comparé aux fonds classiques, et seulement 14% d’entre elles montrent un résultat moins favorable. En termes de performances comparés sur la période, les fonds durables ont généré un rendement annualisé supérieur de +1,59% en Europe, +1,02% en Asie Pacifique et +0,17% dans les Amériques.
Une meilleure résilience face aux crises économiques
Au-delà du rendement à long terme, investir durable a semblé offrir sur la période un avantage structurel : une meilleure résilience face aux crises. En clair, les fonds durables ne se sont pas contenté pas de suivre le marché mais ils ont mieux protégé contre les chocs économiques et contre le risque climatique.

Selon l’analyse de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) en Janvier 2025, les fonds ESG ont démontré une meilleure performance que les fonds traditionnels lors du choc économique provoqué par la pandémie de Covid-19 (février–juin 2020). Sur la même période (2019–2023), on constate que les fonds actions ESG ont en moyenne mieux résisté que leurs équivalents traditionnels dans l’univers des fonds non cotés en bourse (UCITS non-ETF) : +6,3 % par an contre +5,8 %. En revanche, il est à noter dans cette étude que l’on constate sur la période que dans la gestion passive, les ETF actions traditionnels (non durables) conservent une légère surperformance avec +8,2 % par an, contre +7,5 %.
Mettre en perspective la surperformance des fonds durables
Le rôle clé des secteurs
Il est important de garder à l’esprit que la performance relative des fonds durables dépend aussi des cycles sectoriels. En pratique, les fonds durables reposent souvent sur des exclusions sectorielles : ils privilégient certains secteurs (comme la technologie) et en écartent d’autres (comme l’énergie fossile ou le tabac). Or, la surperformance ou la sous-performance d’un secteur peut durer plusieurs années et influencer fortement les résultats. Ce qui induirait que ce ne sont pas les fonds durables en tant que tel qui surperforment, ce sont les secteurs privilégié au sein de ces fonds qui auraient surperformé sur la période. Mais cela ne peut pas être toujours le cas.
Par exemple, sur la période étudiée précédemment (1990-2024 et 2004-2018), la technologie a été le principal moteur de croissance des marchés, et comme ce secteur est inclus dans la plupart des fonds durables, il a mécaniquement soutenu leurs surperformances. Mais l’histoire montre que la hiérarchie sectorielle peut radicalement changer et ainsi être facteur de sous performance à long terme : à la fin du XIXe siècle, le secteur ferroviaire représentait près de 50 % de la Bourse de Londres et 60 % de la Bourse américaine. Dans les décennies suivantes, son poids a fortement décliné avec la baisse de son importance économique. Si des fonds durables avaient existé à cette époque et avaient fortement investi dans le ferroviaire, ils auraient sans doute surperformé durant quelques décennies, mais sous-performés sur le plus long terme, jusqu’à aujourd’hui.
Iil faut aussi rappeler que les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Les secteurs qui ont porté la surperformance des fonds durables au cours des vingt dernières années – en particulier la technologie – ne seront pas nécessairement ceux qui créeront la valeur de demain. Les dynamiques sectorielles évoluent, et nul ne peut prédire avec certitude quels secteurs soutiendront la croissance future. Cette incertitude rappelle que les fonds durables ne doivent pas être vu comme une garantie de performance, mais comme une approche d’investissement intégrant à la fois des critères financiers et extra-financiers dans une logique de long terme.
Des frais plus élevés et une diversification moindre
Un autre élément à prendre en compte est que les fonds durables restent, en moyenne, moins diversifiés et plus coûteux que les fonds traditionnels. Leur taille est généralement plus réduite, ce qui limite la profondeur de marché et accroît légèrement le risque. De plus, les frais de gestion sont plus élevés : environ 0,16 % en moyenne contre 0,08 % pour les portefeuilles classiques. Enfin, leur diversification sectorielle et géographique est souvent un peu moins large, ce qui peut augmenter la volatilité de ces portefeuilles.

À allocation comparable, ces différences se traduisent par des prévisions de rendement net légèrement inférieures pour les portefeuilles durables par rapport aux portefeuilles traditionnels.
Les coûts plus élevés réduisent mécaniquement la performance attendue sur le long terme, même si, en termes de volatilité brute et de rendement avant frais, les deux approches peuvent paraître similaires. Cette nuance rappelle qu’investir dans des fonds durables est un choix d’investissement qui combine critères financiers et extra-financiers, mais qui peut s’accompagner d’un léger coût en termes de performance attendue.
Pas toujours plus résilients à court terme
Selon Morgan Stanley, sur le court terme, des sous performances de fonds durables peuvent être remarquées, notamment au Q1 2022 et au Q2 2024. Ce qui implique que les fonds durables ne soient pas toujours plus résilients face aux chocs tels qu’on a pu le voir face à d’autres chocs économiques.

Conclusion : l’investissement durable, une stratégie rationnelle et responsable
En définitive, l’investissement durable ne doit pas être vu uniquement comme une concession morale : il peut constituer un choix rationnel pour les épargnants. Les données récentes montrent qu’à performance brute comparable, les fonds durables ont souvent offert une volatilité plus faible, une meilleure gestion des risques et, sur certaines périodes, une surperformance. Les crises récentes, notamment celle du Covid-19, ont confirmé cette meilleure résistance face aux chocs économiques, ce que soulignent des analyses comme celles de l’ESMA, de Morgan Stanley ou du NYU Stern.
Cependant, il est essentiel de nuancer ce constat. Les performances observées tiennent aussi aux cycles sectoriels : la forte pondération de la technologie a favorisé les fonds ESG ces vingt dernières années, mais rien ne garantit que ce secteur restera le moteur de la croissance future. De même, les fonds durables sont souvent un peu plus coûteux et moins diversifiés que leurs équivalents traditionnels, ce qui pèse mécaniquement sur la rentabilité nette attendue à long terme.
Ainsi, les fonds durables ne sont pas une promesse de rendement supérieur mais une approche d’investissement qui combine recherche de performance financière et prise en compte de critères extra-financiers. C’est un choix cohérent pour les investisseurs qui souhaitent donner du sens à leur épargne tout en cherchant une stratégie robuste sur le long terme. Ce que Caravel offre avec ses portefeuilles de fonds durables, à bas frais et indexés.