[Interview] “Ce qui me motive, c’est de m’éclater en rencontrant des personnes et en apprenant”- Samuel Durand et le futur du travail
L'interview complet : https://youtu.be/eeCqcEgqZRo
Samuel a fait la même école que moi… quelques années plus tard ! La première fois que j’ai eu la chance de discuter avec lui, j’ai été frappée par sa spontanéité, sa simplicité, son enthousiasme communicatif.
C’est l’une des premières personnes qui m’a fait découvrir ce vaste domaine de réflexion : le fameux futur du travail. Sans en faire trop et toujours pertinent, son regard apporte un vent de fraîcheur (et de sommets enneigés) à des réflexions qui nous touchent tout particulièrement chez Caravel.
Je vous laisse découvrir notre échange de 45 minutes qui, je l'espère, vous plaira. Bonne écoute !
"Le futur du travail je le définis comme étant quelque chose qui existe déjà mais ailleurs et qui est réservé à une minorité."
Quelle est ta vision de la retraite ?
Déjà, il faut savoir que j’ai un rythme de travail non-conventionnel. J’ai des horaires traditionnels, mais il peut m’arriver de travailler le week-end ou de ne pas travailler un jour dans la semaine. J’ai un rythme très flexible.
Pour ma retraite, je me vois continuer à travailler dans des choses que j’aime. Je préfère prendre maintenant des moments occasionnels pour faire des pauses dans mon travail, que ce soit pour voyager, lancer une boîte ou faire des formations. La perspective de travailler toute ma vie ne me dérange pas, au contraire, je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre.
Il y a un premier sujet sur la gestion de ses finances personnelles pour assumer ces moments de pause. Est-ce que le futur (notamment financier) te paraît aussi sécurisé que pour un salarié ?
Je pense qu’on a une mauvaise vision de la sécurité. Pour moi, je ressens plus de sécurité à travailler sur mes projets et être indépendant. Je ne cotise pas, mais l’argent que je gagne en tant qu’indépendant, je le place.
Je gagne plus d’argent sur des projets courts que sur des projets longs comme les documentaires. Donc je mets de côté l’argent gagné grâce à mes petits projets pour le quotidien et pour financer les plus gros projets. J’ai un certain équilibre entre les deux, l’un permet de nourrir l’autre financièrement.
Qu’est-ce qui t’as amené à te poser ces questions sur le fait d’être indépendant ?
A l’école, on n’en parle pas du tout. J’ai un parcours classique : prépa puis école de commerce. Mais j’ai eu beaucoup de chance, notamment sur deux points : j’ai découvert très tôt l’entrepreneuriat, j’ai eu la volonté de créer ma boîte à 19 ans. C’était une marque de vêtements créée avec des potes. Et cette expérience m’a appris beaucoup de choses que n'ai pas apprises à l’école. J'ai très vite acquis des compétences pratiques comme l'influence marketing, la vente d'un produit, la rédaction d'emails,... Et surtout j'ai découvert le plaisir de choisir mes clients !
La deuxième chance que j’ai eue, c’est au niveau de mon éducation : mes parents m’ont payé l’école de commerce et m’ont aidé financièrement jusqu’à mon diplôme. Donc, tout ce que je gagnais, c'était du bonus pour partir en vacances. J’ai pu me construire en tranquillité et en toute liberté. Puis, j’ai eu envie de continuer mon aventure en faisant des documentaires et des BD. Aujourd’hui, j’explore le futur du travail, je rencontre des gens novateurs et je diffuse tout ce que j'apprends sur des formats ludiques (conférences, docu, BD, …).
Te vois-tu un jour redevenir salarié ?
L’expérience en salariat que j’ai eue est surtout des stages basiques qui ne m’intéressaient pas. Mais le salariat n’est pas mort. Pour l’instant, ce n’est pas dans mes plans, mais je ne suis pas fermé. J’ai rencontré des boîtes formidables qui changent ma vision du salariat.
Après “Work in Progress 1”, quel est l’angle du 2e ?
Le premier tome, c’était le “futur of work” en général, c’est-à-dire comment trouver du sens à son job. Le deuxième est venu avec les échanges et retours du premier. Ce qu’on peut creuser encore plus c’est la question du salariat. Il y a trois composantes de travail : la mission, la tâche et l'environnement de travail.
Les différences avec le premier, c’est que dans le deuxième les personnes parlent au nom de l’entreprise et pas en leur nom. On balaie de nouveaux secteurs, différentes tailles d'entreprises, on prend un spectre plus large mais toujours dans le salariat.
Comment projettes-tu le “futur of work” d’ici quelques années ? Est-ce que nos organisations vont évoluer ?
C’est certain, de plus en plus de personnes vont avoir cette vision, moins linéaire. Mais d’autres continueront à considérer le travail comme une activité qui n’est pas un plaisir, qui n’est pas vecteur de sens, et qui attendront le soir, les week-ends, les vacances et la retraite pour profiter !
Je ne pense pas que la retraite comme on la connaît aujourd’hui va disparaître totalement. Les 2 vont cohabiter. Beaucoup ne s’imaginent pas avoir un travail qui leur plaît ou même seulement une organisation plus flexible. Il va falloir garder un cursus conventionnel.
Quel est ton objectif derrière ton travail justement ?
J’ai un double objectif : celui de la boîte et mon objectif personnel. L’objectif de la boîte “Work in progress” est de mettre en avant les bonnes pratiques qui existent déjà. Il y a plein de bonnes initiatives et avec Work in progress, qui est un média, l’objectif est de les faire connaître. Depuis le Covid, je vois une vraie différence, je ne suis plus “le petit jeune qu’on invite pour parler 1h”, ce que je raconte est mis en place et testé dans les mois qui suivent. Ma mission est de démocratiser les bonnes pratiques sur le “futur of work”.
Mon objectif personnel : m’éclater dans ce que je fais. J’ai la chance d’avoir plein de projets et de pouvoir choisir ce qui me plaît et les gens avec qui j’ai envie de travailler.
En résumé, c’est un mix de ce qui est bon pour l’entreprise et pour moi, il faut forcément que ça soit un truc qui m’amuse.
Justement comment savoir ce qui te plaît et t’amuse ?
Il faut le tester. J’ai réalisé le challenge de faire un documentaire en débarquant dans un monde inconnu et en apportant ma touche. Pour le deuxième tome, j’ai plus d’expérience, et je veux passer des journées qui me plaisent.
L’important c’est d’être soi-même, de ne pas porter de masque. Quand on va bosser, on est à 100 % la personne qu’on est le week-end. Et quand on est comme ça dans son job, je pense qu’on est aligné. On peut le trouver de plein de façons différentes, mais le but commun est toujours de s’amuser et de passer des bons moments.
Est-ce que tu vois certaines limites à tout ça ? A la fois sur le fait que les gens n’ont pas envie que leur travail soit leur plaisir et la limite entre le travail et la vie personnelle ?
Pour la limite du temps le week-end ou le soir, chacun se fixe ses limites. Il ne faut pas forcément séparer le professionnel de la vie personnelle, mais plutôt varier le type d’activité. Par exemple, je peux passer du temps avec mes proches, lire un livre pour préparer la prochaine newsletter, ce sont des activités personnelles, mais d’un autre côté ça reste du travail en quelque sorte.
Si j’avais 1 milliard d'euros, qu'est-ce que je ferais de ma vie, ce que je changerais dans mes journées ? Je ne changerais pas grand chose finalement, parce qu’il y a beaucoup de trucs qui m’éclatent. La limite est plus sur la faisabilité.
Quand on m’écoute ça peut encourager à suivre sa passion, mais je ne suis pas passionné par le “futur of work”, mes passions sont plutôt le ski ou le tennis. Il vaut mieux trouver un environnement dans lequel on s’éclate et qui nous intéresse, dans lequel on peut choisir son job. Ce qui me motive ce n’est pas la mission du travail, c’est de m’éclater en rencontrant des personnes et en apprenant. D’autres personnes considèrent la mission comme leur driver, peu importe la tâche. On est tous différents la dessus.
Mais est-ce que vraiment n’importe qui peut du jour au lendemain changer ? Qu’est-ce qui fait que le “futur of work” n’est pas une utopie, mais bien réel ?
Oui c’est possible pour tout le monde, le principal frein est mental.
Une partie des personnes sont privilégiées dans leur éducation et dans leurs moyens financiers, mais pour autant s’ennuient dans ce qu’ils font. Et c’est ouvert à ces personnes-là. Après, d’autres personnes n’ont pas encore la chance d’avoir eu le même niveau d’information ou de connaissances de ces sujets, mais ça se démocratise de plus en plus.
Il y a des moyens aujourd’hui pour se lancer gratuitement : une newsletter, un compte Instagram,... Je pense que le futur of work est plus inclusif de ce côté-là.
On compte moins sur le diplôme, et plus sur les compétences. Les compétences peuvent s’acquérir sur internet, gratuitement, sans besoin de s’endetter. Mais il reste encore du chemin. Il faut diffuser et transmettre l’information et il y a un vrai enjeu d’éducation. Sans compter qu’il y a encore des domaines et des métiers où c’est encore compliqué à mettre en œuvre. Je suis très content parce que depuis la rentrée je suis invité dans des écoles, des collèges et c’est super de pouvoir en parler dès le plus jeune âge.
Tu disais te sentir plus libre et même plus en sécurité en tant qu’indépendant. Est-ce que cette liberté est aussi une contrainte du fait de devoir tout gérer toi-même ?
Je préfère me gérer moi-même, mais je suis entouré d’un expert-comptable, j’ai une mutuelle, une prévoyance,... Il y a des outils qui existent pour les indépendants, comme Caravel, on n’est pas tout seul.
Pour le reste, ce que je gagne chaque mois, je mets une partie de côté sur des placements plus ou moins risqués. Je me forme sur la gestion des finances personnelles sur internet, en écoutant des podcasts, en lisant des newsletters,...
Je préfère le faire moi-même et apprendre sur le sujet, plutôt que le déléguer à quelqu’un qui ne fera pas forcément les choix les meilleurs en fonction de la vie que j’ai envie de mener. Les instances traditionnelles ne sont pas encore adaptées à cette vision. Donc c’est plus simple de gérer soi-même.
Et est-ce qu’aujourd'hui, tu as l’impression qu’il y a des outils qui se développent et facilitent le quotidien ?
Oui, il y a tout un écosystème qui s’est développé pour les indépendants à la fois pour la gestion du quotidien et pour des gestions plus long terme de placement, de la carrière, etc. Donc c’est bien, si on n’a pas envie de gérer ces choses-là, il y a plein d’acteurs qui peuvent tout gérer pour nous et qui sont capables de comprendre notre mode de vie. Et ce n'était pas forcément le cas avant.
Depuis 4 ou 5 ans, le système se structure et est capable de s’adapter aux besoins particuliers des indépendants et pas que, mais aussi de gérer leurs activités, leurs placements, leur carrière, etc, sans que ces personnes aient à s’y intéresser si elles ne le souhaitent pas.
Pour synthétiser la discussion, quelles sont pour toi les principales valeurs du futur du travail ?
La curiosité avant tout, parce qu’elle apporte de nouvelles compétences, de nouvelles façons de collaborer. Le futur du travail je le définis comme étant quelque chose qui existe déjà mais ailleurs et qui est réservé à une minorité. Donc la curiosité permet de récupérer ces bonnes pratiques. L’autonomie aussi est essentielle. Et enfin beaucoup plus de temps humain, de temps passé avec les autres. Donc en 3 mots : empathie, curiosité et autonomie.
Le sens de mon job est l’apprentissage, alors que j’ai détesté l’école. Faire un truc que je sais déjà faire, ça ne m’intéresse pas.
Comment vois-tu la retraite de demain ?
A mes yeux, ma retraite, c’est pas de retraite, j’ai envie de continuer à travailler.
Je m’arrêterai quand je ne pourrai plus travailler physiquement. Travailler, c’est avoir une activité, c’est ce qui donne du sens, et bien sûr aussi pour les revenus. Par contre ce temps de retraite je compte le prendre de façon fractionnée déjà maintenant pour des temps de formation, de vacances, d’arrêt. Plutôt prendre ce temps de retraite tant que je suis encore en forme physique et intellectuelle, et entouré, plutôt que quand je serai retraité ou moins en forme en tout cas.
Pour organiser ces temps de retraite de manière anticipée et fractionnée comment s'y prendre ?
La base déjà, c’est de faire comme font les salariés, cotiser et mettre de côté une partie de ce qu’on gagne. Garder une partie pour vivre, une autre partie pour les vacances et les loisirs, et le reste le placer. Tous les ans je fais des placements. Et si je n’avais pas envie de faire ces placements, je pourrais me tourner vers des entreprises qui le feront pour moi.
Est-ce que tu as des ressources à partager ?
Yoann Lopez avec sa newsletter qui démocratise ce sujet, sur la façon d’envisager sa gestion financière et des outils que moi j’utilise. Sur la protection sociale Hind Elidrissi avec qui on a fait des webinaires (avec la maif), ainsi que “indépendant.co”, les cryptomonnaies et Twitter.